Katrinka Meyers, MD

Katrinka n’avait que deux ans lorsque sa mère fut diagnostiquée d’un cancer. Elle n’avait que quatre ans lorsqu’elle dû l’enterrer. Si elle ne se souvient plus du visage de celle qui l’a mise au monde, Katrinka se souvient de la neige de Saint Pétersbourg qui tombait sur les fleurs qu’ils avaient jeté sur cercueil. Elle se souvient aussi de la poigne de son père, qui serrait sa petite main avec tant de force qu’elle n’aurait pas pu s’en défaire, si elle l’avait voulu. Jusque-là, la fillette n’avait connu que la Russie. Mais la maison vide, le silence que les machines de sa mère ne faisait plus, avaient forcé Dr Meyers à fuir vers son pays d’origine, emmenant sa fille dans son sillage.

Le changement fut brutal. Elle ne parlait pas la même langue, ne partageait pas les mêmes anecdotes que ses camarades de garderie. Pourtant, après deux années à ne parler qu’à son père en russe, elle changea complètement. L’école lui offrait un cadre plus rigide, et elle se retrouvait dans ces exigences. Elle se lança à corps perdu dans ses études, dès son plus jeune âge. Enchanté par ce changement soudain, Dr Meyers fit son possible pour assouvir la curiosité de sa fille. Ainsi, à peine commençait-elle le lycée qu’elle avait déjà une bonne connaissance de l’anatomie et de la biologie.

Lorsqu’elle fut acceptée par Princeton, se fut sans surprise qu’elle se dirigea vers la médecine. Les longues heures d’études ne lui faisaient pas peur et elle n’eut aucun mal à obtenir son diplôme. Elle eut du mal cependant à choisir une filière. D’un côté, elle aurait voulu se concentrer sur le travail en laboratoire, pour faire de la recherche sur le cancer qui avait emporté sa mère. De l’autre, elle savait qu’elle avait le pouvoir d’aider les plus démunis sur des terrains dangereux, ce que peu de ses collègues souhaitaient faire. C’est un peu par hasard qu’elle rejoignit les médecins sans frontière. Une de ses amies française d’université lui en avait brièvement parlé lorsqu’elle s'interrogeait encore. Elle avait appliqué après la fête de gradation et avait été appelé la semaine suivante. Un mois après, elle était dans un avion à destination du Soudan.

Elle pensait être forte, elle pensait savoir à quoi s’attendre. Et pourtant, la misère, le sang, l’horreur de la guerre la frappèrent avec une violence qu’elle n’avait pas soupçonnée. Dans ce chaos, elle était malgré tout à sa place. Si elle n’était pas indifférente, elle savait que perdre le contrôle sur ses émotions n’amènerait que plus de souffrance. Elle devient rapidement un roc pour l’équipe, autant pour son sang froid que son anglais. En effet, il n’était pas rare que des soldats américains ou de l’ONU côtoient les champs de batailles où elle offrait ses services.

L’Afghanistan fut d’ailleurs un tournant important pour Katrinka. Interprète de choix pour l’équipe médicale, elle passait presque autant de temps avec les soldats qu’avec ses patients. Elle rencontra Alec durant cette période, un soldat américain, jeune voir naïf, à qui c’était son premier tour. L’attraction fut foudroyante, et il ne fallut pas longtemps aux deux tourtereaux pour être inséparables. Jusqu’à ce que l’équipe d’Alex tombe dans une embuscade. On avait refusé de lui montrer le corps, on lui avait simplement remis ses plaques d’identification.

Le lendemain, elle rentrait aux États-Unis pour faire son deuil. Elle avait déjà perdu des collègues sur le terrain. À la première victime, elle avait décidé de ne pas trop s’attacher. La mort d’Alec lui avait violemment rappelé pourquoi et elle avait besoin de temps pour être de nouveau efficace.

Ce n’est qu’après quelques semaines qu’elle y retourna cependant, ne rien faire ne faisant qu'accentuer la douleur. Cette fois-ci, elle fut envoyée directement à la base militaire. C’est avec surprise qu’elle se retrouva face à une haut gradée qui lui parla du projet stargate. La curiosité piquée à vif, elle interrogea la femme avec intensité. Lorsqu’on lui expliqua qu’elle ne saurait rien si elle ne se joignait pas à eux, elle signa la proposition à l’instant et reprit son interrogatoire.

Le reste se passa à une vitesse vertigineuse. Un an d’entraînement militaire la rendit plus apte au terrain. Elle avait appris à tirer avec Alec, mais rien n’égalait le régime militaire, autant que pour améliorer sa visée que son conditionnement physique. Être médecin pour un projet extra planétaire était autant une chance qu’un fardeau. Elle devait être prête à toutes les situations et lorsqu'elle ne courrait pas ou ne tirait pas, elle lisait les rapports des médecins qui avaient déjà voyagé ailleurs, mais aussi ceux des biologistes afin de se familiariser avec le type de pathogène qu’elle pourrait rencontrer.

Toute la préparation du monde n’aurait pas suffit à calmer son excitation lors de son premier voyage, cependant. Une mission après l’autre, Kat commença à se faire un nom dans l’équipe à laquelle elle avait été assignée. Après tout, ce n’était pas tout le monde qui pouvait se vanter d’avoir retiré un parasite de la gorge d’un soldat, sans instruments, sous un feu ennemi. Peut-être était-ce pour cela qu’après quatre ans, on lui offrit le poste de médecin en chef pour l’expédition Aurora.

Si on lui demandait aujourd’hui si elle regrettait ce choix, elle ne saurait pas répondre. Sans doute qu’une fois rentrée, elle dirait non, mais il fallait encore rentrer.