Heureuse rencontre, ft Sanna

A cette heure où la plupart des nôtres vaquent à des activités constructives, j'ai momentanément abandonné ma tâche de traqueur pour une tâche qui me tient plus à cœur à l'heure actuelle. Entrainer ma fille cadette, pour qui le grand jour arrive bien trop vite à mon gout. Et si je ne la convaincrais pas de mettre ce fauve à mort, je peux au moins lui enseigner de quoi survivre dans la jungle le temps nécessaire à ce que la suite de l'histoire paraisse crédible. La suite de l'histoire? S'il le faut, je le tuerai moi-même, ce fauve. Une chose est sure, je ne laisserai pas ma fille être méprisée par la faute d'un stupide rituel depuis longtemps passé d'âge.
Sur cette pensée, j'accentue sans m'en rendre compte le rythme du bâton que je tiens dans les mains, seul le claquement du bois contre le bois brisant le silence qui règne dans la plaine, bien trop en dessous du village pour en capter les bruits. Un terrain d'entrainement idéal. Au moins jusqu'à ce qu'une plainte me ramène à la réalité, alors que le bâton échappé des mains de ma fille a laissé place à son bras.

Je lâche mon arme pour m'approcher d'elle, m'agenouillant pour prendre doucement son bras dans ma main, sa peau presque aussi sombre que la mienne ne parvenant que difficilement à dissimuler le bleu qui s'y forme. Même si je suis supposé l'endurcir, une chose dont je suis incapable, c'est de voir l'un de mes enfants souffrir sans rien y faire.

"Ok, fini pour aujourd'hui. Ta mère doit bien avoir un baume à mettre là-dessus. Viens, que j'te remonte."

Je laisse le temps à ma fille de s'accrocher à mon cou, s'installant dans mon dos, avant de ramasser les bâtons oubliés jusque là et entreprendre de remonter vers le village. Si l'accès est simple? Non, sinon n'importe quelle bête l'emprunterait. Mais à force de parcourir cette voie, je la connais comme ma poche.

J'avais un peu de temps libre à cette heure de la journée et je décidais d'aller prendre l'air. Je connaissais plutôt bien les alentours, même si je n'étais pas une experte et en prenant direction est je ne risquais pas de croiser un repaire de tigre ou que sais-je encore. Tout du moins la première demie-heure, après c'était plus compliqué.
Alors que j'allais changer de direction, j'entends la voix d'un homme s'élevait dans les airs. Il tentait visiblement de rassurer quelqu'un que je n'entendais pas. Sur le coup impossible de dire de qui il s'agissait. Il me fallut deux bonnes minutes pour arriver jusqu'à eux. Il ne s'agissait pas des étrangers, mais d'Alton et de sa fille. Dieux ce qu'elle était belle cette gamine. Elle fera fureur d'ici quelques années; puis je l'aime bien, elle est cool. Oui je suis une vraie gamine moi aussi les 3/4 du temps.

- On est perdu ?

Ils venaient de grimper une sacrée pente et elle descendait juste de son dos lorsque je suis arrivée.

- Vous manigancez quoi tous les deux ? Si je vous connaissez pas, je jurerais qu'il y a anguille sous roche pour aller se balader par là !

Mon regard sérieux disparaît aussitôt et je souris de toutes mes dents.

"Je sais ce que t'en penses, mais on parle pas d'un lapin ou d'une antilope. Ces créatures, c'est elles ou nous. Et personnellement, je préfère éviter de figurer au menu, si ça te va."

Je ris légèrement, en profitant pour raffermir ma prise sur les jambes de ma fille, l'empêchant de glisser de mon dos au cours de notre ascension. Un dernier tournant, une dernière pente, et nous arrivons enfin à un plateau, où je laisse la jeunette descendre de mon dos, en profitant pour faire craquer quelques vertèbres n'appréciant que peu l'exercice. Au moment précis où la voix de Sanna nous parvient juste avant qu'elle n'entre dans notre champ de vision.

"Je te retourne la question, très chère. Rares sont ceux à s'aventurer par ici, à raison."

Ma fille s'empresse d'aller embrasser celle qui finit par faire partie de la famille aux yeux de nos enfants tant nous sommes souvent ensemble, mon épouse, elle et moi.

"Un peu d'entrainement. Là où il y a peu de chances d'être dérangés. Cette jeune demoiselle a besoin de concentration."

Facile à dire alors que je suis celui qui a perdu la sienne, de concentration.

"Et maintenant, elle a besoin que je la ramène à sa mère avant que la dame ne s'inquiète. Mais si tu es intéressée, j'ai encore un peu d'énergie à te consacrer. Le temps de faire l'aller-retour."